Voilà, j'ai un peu de temps pour vous parler, pardon, pour commencer de vous parler, des Ménines. Le personnage central de ce superbe tableau, comme vous l'avez sûrement remarqué, c'est une jolie fillette blonde, éclairée par un rayon de soleil, et qui rayonne de grâce et de beauté juvénile. Cette mignonne enfant de cinq ans fut pendant quelques années l'héritière du royaume d'Espagne, ce qui nous permet de posséder de nombreux portraits d'elle, peints par le peintre préféré de son père : Diego Velázquez.
Mais commençons par le commencement...
Voici l'infante Marguerite-Thérèse, la fille du roi
d'Espagne Philippe IV (1605-1665). Cette petite fille appartient
à la dynastie des Habsbourgs, dont le membre le plus connu est
un dénommé Charles Quint (1500-1558). Charles Quint avait
hérité de son grand-père, Maximilien, de
l'Autriche et de sa mère, qui possédait l'Espagne et les
Pays-Bas (actuellement, Belgique et Pays-Bas). Il régnait en
outre sur un superbe empire en Amérique, et disait que "le
soleil ne se couchait jamais" sur les terres qu'il gouvernait. En 1556,
il décida de quitter le pouvoir et donna alors l'Autriche
à son frère (qui possédait déjà une
partie de la Bohème) et tout le reste à son fils,
Philippe II, qui devint roi d'Espagne. Philippe II était
l'arrière-grand-père de la petite
Marguerite-Thérèse.
Le père de Marguerite-Thérèse, Philippe IV, avait
épousé en premières noces une princesse
française, Elisabeth de Bourbon, fille d'Henri IV.
A gauche, un détail d'un portrait de Philippe IV en 1656
(âgé de 51 ans), par Velázquez. Tableau conservé
à la National Gallery de Londres.
A droite, Elisabeth de France (1602-1644), fille de Henri IV et soeur
de Louis XIII. Velázquez a mis plusieurs années à peindre
ce portrait équestre : commencé en 1629 (la reine avait
27 ans), il ne fut terminé qu'en 1635. Détail d'un
tableau du Musée du Prado (Madrid).
Le couple n'eut que deux enfants qui dépassèrent
l'âge de dix ans : Baltasar Carlos (1628-1645) et
Marie-Thérèse (1638-1683).
A gauche, l'infant Baltazar Carlos, par Velázquez, 1635-1636.
Détail d'un portrait équestre conservé au
musée du Prado.
A droite, sa petite soeur Marie-Thérèse, toujours par Velázquez (1651 env.). Cette oeuvre se trouve au Metropolitan Museum de
New York.
L'Espagne, contrairement à la France, ne possède pas de loi salique
: les filles peuvent hériter du trône. Elles passent
après leurs frères (même cadets) mais avant leurs
oncles, cousins etc (depuis la naissance de Leonor, la fille de
Philippe, prince des Asturies, l'année dernière, on parle
d'ailleurs de supprimer cette injustice : les aînés
hériteraient, point. Ce n'est pas trop tôt, si vous voulez
mon avis ! ).
En 1644, la reine Elisabeth de France mourut, suivie l'année
suivante par son fils Baltasar Carlos, âgé de 17 ans.
Marie-Thérèse devenait donc la seule enfant
légitime de Philippe IV et l'héritière du
trône d'Espagne. Mais son père ne pouvait avoir qu'une
seule héritière directe : si Marie-Thérèse,
alors âgée 7 ans, venait à disparaître, la
succession serait difficile et risquerait de se terminer en guerre
européenne. Philippe V devait donc avoir d'autres enfants
légitimes et se remarier. Il décida d'épouser
l'ancienne fiancée de son fils, sa propre nièce,
Marie-Anne d'Autriche. Il avait quarante-cinq ans, elle quinze.
Marie-Anne d'Autriche, atelier de Velázquez. Un des (rares) Velázquez du Louvre.
Cette union ne fut pas particulièrement heureuse, et les enfants
tant attendus ne vinrent pas nombreux. Consanguinité oblige,
Marie-Anne attendit plusieurs années d'avoir des enfants.
L'aînée, née en 1651, fut notre petite infante des Ménines,
Marguerite-Thérèse. La reine fit ensuite plusieurs
fausses couches, puis eut une fille qui mourut aussitôt et un
fils, Philippe Prosper, chétif, contrefait, mais viable. Cet
infant disparut en novembre 1661. La semaine suivante, Marie-Anne mit
au monde un autre garçon, encore plus malingre et souffreteux
que son frère aîné. Il vivra 39 ans.
Stérile, sa mort déclenchera une guerre
européenne, dite guerre de la succession d'Espagne.
Ces méandres généalogiques expliquent le nombre
important de portraits de Marguerite-Thérèse peints par Velázquez : pendant une dizaine d'années, sauf pendant les
quelques intervalles que constituaient la vie de ses frères,
Marguerite-Thérèse fut l'héritière du
trône d'Espagne. Marie-Thérèse, sa soeur
aînée, fille de Elisabeth de France, étant promise
à son cousin Louis XIV, elle renonça à ses droits
sur la couronne.
Future reine d'Espagne, la blonde fillette des Ménines
fut donc énormément représentée par Velázquez et ses portraits firent le tour du royaume et des cours
d'Europe.
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